La fin d’un tabou politique
À l’invitation des autorités de la Transition conduite par le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, Blaise Compaoré est finalement venu le jeudi 7 juillet 2022 au Burkina Faso, sa terre natale. Une venue discrète, sans tambour ni trompette, si loin de la démonstration de force, d’arrogance et de mépris qu’annonçaient, dans les médias et sur les réseaux sociaux, tous les détracteurs de cette initiative présidentielle, si prompts à prêter aux autres leur esprit de revanche.
Hystérie. On serait tenté de descendre dans l’arène pour répondre mot pour mot à ce déferlement de rancœurs, d’insultes, de mensonges, d’outrances, d’incongruités, de fantasmes et pire encore ; chacun cherchant à l’avantage de sa faction politico-médiatique le mot qui tue. Celui-ci parlant d’« une entente mafieuse », celui-là voyant l’ex-président Compaoré comme « un homme lâche », cet autre affublant l’initiative du président Damiba de « parjure »… Que de rhétoriques au service d’une cause qu’on aimerait pourtant dénuer d’arrière-pensées et de manœuvres politiciennes tant elle est vitale pour notre peuple.
On serait tenté de briller avec autant de passion et de mauvaise foi, mais ce serait manquer l’enjeu de cette volonté aboutie du président du Faso de réussir l’invraisemblable : rassembler autour d’une table, sur la terre des ancêtres, tous les anciens chefs d’Etat du Faso, sans aucune discrimination, ni tenir aucun compte de leur condition, y compris judiciaire pour engager franchement un processus de réconciliation qui, jusque-là, se payait juste de mots. Au fond, chacun des participants est venu en ambassade pour exposer, au besoin sous couvert de l’immunité temporaire qui sied à ce genre de mission, la part qu’il est prêt à apporter à l’effort national de réconciliation que tant de Burkinabè appellent de leurs vœux, et pour beaucoup parmi eux, de leurs larmes.
En 2019, l’appel de citoyens et de personnalités d’horizons divers , n’avait d’autre but que de poser les bases pour imaginer de manière participative la mise en œuvre d’un processus de réconciliation, à l’instar d’autres pays dans le monde, confrontés comme le Burkina Faso à des situations devant lesquelles les institutions ordinaires étaient impuissantes à ramener durablement la paix et la concorde nationale. C’est cet état d’esprit, fait de discernement, de courage et de modestie, qui est aujourd’hui menacé par des postures et des comportements qui frisent l’hystérie, deux factions irréductibles prenant en otage une majorité silencieuse pourtant première victime de la crise où se débat le pays.
Orthodoxie. L’avantage de cette séquence à très haute intensité symbolique est de mettre en évidence les deux conceptions de la réconciliation qui, jusqu’ici, s’affrontaient en coulisse, à fleuret moucheté, avec le souci de dérober aussi longtemps que possible le fond du débat. La venue de Blaise Compaoré jette à terre les masques, chacun des protagonistes de ce débat étant sommé, devant l’opinion publique, de donner un contenu concret à ce besoin de réconciliation né des problèmes politiques que la Stratégie nationale de réconciliation (2022-2026) place au premier rang des six catégories identifiées de besoins de réconciliation. Avec cette venue, on entre enfin dans le vif du sujet, ce qui a toujours incommodé les rhéteurs, plus à l’aise avec les phrases qu’avec les choses de la vie, là où les attend pourtant la masse des Burkinabè.
La panique qui s’empare de ceux qui font de la réconciliation un simple bruit de fond montre qu’un point névralgique a été touché. Pour eux, la réconciliation est une longue suite d’à priori, de principes, d’injonctions qui, mis bout à bout, reviennent à rendre impossible tout processus de réconciliation un peu comme la flèche paradoxale de Zénon faisant du sur-place au lieu d’atteindre sa cible. C’est ce cercle vicieux de l’immobilisme que les autorités de la transition ont voulu rompre en brisant un tabou politique.
Face à cette conception lénifiante de la réconciliation, la réunion de tous les anciens chefs d’Etat se devait de montrer que la réconciliation dont a besoin le peuple du Burkina est une réconciliation à construire de toutes pièces, par le débat, et sans jamais chercher à faire simple là où, à l’évidence, les choses sont plus complexes. Inviter Blaise Compaoré à venir au Burkina, le temps d’une ambassade politique, s’apparente pour le Président Damiba à un moment de réalisme, ce qui suppose que la condition même d’un processus de réconciliation pourrait se révéler tout simplement impossible et qu’il faille cesser de s’illusionner à ce sujet en se tournant vers de nouvelles pistes.
Là où certains voient une ouverture en toute bonne foi sans chercher à invalider le recours aux institutions ordinaires, d’autres se braquent d’entrée de jeu et ferment toute initiative en contradiction avec leur orthodoxie de pensée, et plus sûrement avec leurs intérêts de faction politico-médiatique. Rien de pire pour étouffer les voix du débat que de convoquer des grands mots, de jouer sur les sentiments, de simuler l’apocalypse. Les petites mains de ces études rétrospectives et prospectives ne manquent pas, embrouillant l’opinion publique avec une vision hallucinée de la réalité politique du pays.
Rien n’est encore décidé, puisque cette réunion des anciens chefs d’Etat est là pour préparer les Assises de la réconciliation qui devraient avoir lieu en août prochain, mais on cherche à abuser le commun des Burkinabè en lui faisant croire que tout est décidé, que la seule venue de Blaise Compaoré suffit à évaporer sa condamnation par un tribunal du Faso, alors que le chantier est immense et que seuls des débats pourront faire ressortir des solutions de consensus. L’initiative du président Damiba doit être prise comme l’occasion de poser les bonnes questions, en toute franchise, de mettre sur la place publique les idées les moins politiquement correctes, et d’affuter ses arguments, les cris d’orfraie ne sachant en tenir lieu. Libérer la parole publique n’est un danger que pour ceux qui ont fait profession de la confisquer et qui, par pur intérêt de faction, refusent d’entendre les voix des sans voix, au nombre duquel, bien sûr, et avant tout, la voix des victimes, mais des victimes de tous les bords.
Stratagème. Certes, l’ex-président Compaoré a été condamné à perpétuité, condamnation dont il n’a pas fait appel puisqu’il récuse les conditions exorbitantes du droit commun dans lesquelles ce procès a été rendu possible, au point de soulever une suspicion légitime à l’encontre de ceux qui l’ont organisé et de ceux qui l’ont conduit, par esprit de service, comme il se doit pour des magistrats. Dans cette mission d’ambassade qu’il a acceptée de remplir, dans l’unique but de donner une chance réelle de lancer un processus de réconciliation digne de ce nom, en quoi sa présence, 48 heures , au Burkina revient-elle à mettre le destin d’un homme au-dessus de la justice burkinabè ? Si tant est qu’il s’agisse uniquement d’un homme et non pas d’une fraction importante des citoyens se reconnaissant dans cet homme, fraction qu’on ne peut pas simplement écarter d’un revers de main, sauf à appeler celle-ci, à un moment plus favorable, à renverser à nouveau l’ordre des choses à son profit, et ainsi de suite jusqu’à quand ?
Ceux qui s’élèvent par principe et dogmatisme contre cette initiative imaginent-ils un instant qu’un ambassadeur accepterait une mission qui, dans son essence même, l’assure soit de rentrer la tête sous le bras, soit de finir captif à vie ? Toute partie à un conflit sait aussi que pour engager des pourparlers, il est plus pratique de suspendre les hostilités, la notion, même si elle n’est pas d’usage dans l’ordre pénal, existe aussi en droit, où une partie condamnée demande un sursis à exécution, ce qui ne remet nullement en cause le travail du juge ayant prononcé la condamnation.
S’il faut se préoccuper des états d’âme des magistrats ayant vidé la cause du procès de l’assassinat de Thomas Sankara, que dire des articles 219-6 et 219-7 du code pénal portant grâce et amnistie des peines judiciaires ? Nul magistrat au moment où il commence un procès n’ignore l’existence de ces dispositifs qui, in fine, peuvent avoir raison de sa décision, ce qui n’empêche aucun magistrat de poursuivre son office. Ni la grâce, ni l’amnistie ne sont des dénis de justice ; au contraire, ce sont des moments de justice, l’une suspendant la peine à l’actif de l’exécutif, l’autre annulant le caractère délictuel des faits à l’actif du législatif. L’autorité judiciaire n’ignore donc pas que ses décisions peuvent être suspendues ou annulées du fait de l’exécutif ou du législatif, qu’il s’agisse d’immunité, d’ordre public, de raison d’Etat ou de souveraineté. Ne s’en étonnent que ceux fétichisant l’autorité judiciaire au point d’en faire une chose abstraite, au-dessus de l’histoire des hommes alors qu’elle se rend en leur nom, et, pour tout dire, transformant ses décisions en châtiments…
S’il est évident qu’aucune réconciliation ne peut négliger l’un des protagonistes majeurs de la vie politique des quarante dernières années, quelle autre solution y a-t-il sinon que d’amener celui-ci à la table des discussions à part égale avec les autres protagonistes ? Si tel n’est pas le cas, autant avouer que cette réconciliation est soit un processus caduc, soit un processus a minima, autrement dit impuissant à espérer sortir le Burkina d’une situation de crise aussi complexe. Est-ce parce qu’ils ont peur d’appeler un chat un chat que toutes ces voix hystériques s’élèvent ? Bien que certains aient participé à la Commission de la réconciliation nationale (CRNR), ont-ils peur aujourd’hui d’avouer que la référence à un processus de réconciliation était un stratagème pour vider de son sens opérationnel ce processus et, in fine, l’invalider ?
Tutelle. Ceux qui brandissent l’Etat de droit pour exiger l’exécution ipso facto de la condamnation et du mandat d’arrêt ordonnés par le tribunal militaire oublient un peu facilement que ce même Etat de droit place une partie de l’appareil judiciaire, en l’espèce le parquet, sous l’autorité directe du pouvoir exécutif ; qu’il fait dépendre l’exécution des décisions judiciaires de la force publique et d’elle seule ; que le principe d’action de la force publique est en premier lieu la préservation de l’ordre public, y compris dans l’application des lois elles-mêmes ; et que, dans l’ordre national comme international, il peut de surcroît se prévaloir de la raison d’Etat pour échapper à certains de ses propres principes. Dans un régime républicain, l’autorité judiciaire est par essence placée dans une position de tutelle ; vis-à-vis du législatif, pour sa matière première, les lois ; et vis-à-vis de l’exécutif, pour la sanction de son travail, l’exécution des décisions judiciaires.
Dans l’absolu, toute décision judiciaire a une histoire politique, a fortiori la décision ayant condamné à la prison à perpétuité l’ex-président Compaoré pour attentat à la sûreté de l’État et complicité dans l’assassinat de l’ex-président Sankara. Par une loi de révision constitutionnelle en date du 11 juin 2012, l’assemblée nationale avait accordé « une amnistie pleine et entière (…) aux chefs de l’État du Burkina Faso pour la période allant de 1960 à la date d’adoption des présentes dispositions. », ce que le président par intérim du Burkina Faso, Michel Kafando, rappelait utilement le 2 décembre 2014. Suite à un renversement du rapport de force politique, le 5 novembre 2015, les députés du Conseil national de la Transition adoptaient à leur tour la loi constitutionnelle 072-2015/CNT abrogeant ladite amnistie.
Quelques jours auparavant, le 27 novembre 2014, ce revirement avait été précédé par la manifestation du fait du prince, cette fois en la personne de Michel Kafando lui-même : « J’ai aussi décidé, par le fait du prince, que les investigations pour identifier le corps du Président Thomas Sankara ne seront plus assujetties à une décision de justice, mais seront du ressort du gouvernement. D’ores et déjà, aujourd’hui même, cette autorisation est accordée ».
Enfin, fort de ce nouveau dispositif politique, voire politicien, le ministre de la Défense a pu instruire l’autorité judiciaire d’ouvrir une enquête à propos de l’assassinat de l’ex-président Sankara, sans même évoquer ici l’épineuse question du gel du dossier pendant des décennies et son activation par volonté politique ( Michel Kafando et Roch Marc Christian Kabore).
Discrimination. En l’espèce, ce n’est pas tant ce revirement de légalité qui interroge l’interprétation restrictive qui en a été donnée. Soit le 15 octobre 1987, un crime de sang a été commis contre Thomas Sankara, mais pourquoi ignorer tous les autres crimes de sang commis avant ce jour par le CNR, que ce même Thomas Sankara présidait ? Pourquoi cette discrimination dans les crimes et dans les coupables, sinon à des fins partisanes ? Sauf à titre procédural, l’autorité judiciaire n’ayant pas eu l’initiative du procès contre les présumés assassins de Thomas Sankara, c’est un procès qui ne parviendra jamais à effacer sa tare politique, si bien que, au lieu de refermer le front ouvert dans la société burkinabè par la période révolutionnaire et sa rectification par le régime de Blaise Compaoré, il le tient grand ouvert. Si l’on veut que les magistrats lavent plus blanc que blanc, encore faut-il que tout le monde dépose devant eux son linge sale !
Il ne peut y avoir Compaoré sans Sankara, ni Sankara sans Compaoré, c’est la leçon de cette séquence dont les suites empoisonnent la vie politique et sociale des Burkinabè. L’un et l’autre sont nés et partis par l’exception d’un coup de force, dont il faut cesser de dédouaner l’un pour accabler l’autre. Ce déséquilibre dans le traitement des faits ne peut produire qu’un déséquilibre incident partout dans la société au point que chacune des factions qui la compose finit, à un moment ou à un autre, par perdre toute mesure, au risque de saborder nos institutions et notre patrie. Voilà exactement ce qui se passe à nouveau avec la venue de Blaise Compaoré où chacune des factions rassemblées derrière Thomas Sankara ou derrière Blaise Compaoré cherche le prétexte d’envoyer l’autre KO à terre, piétinant du même coup l’idée de réconciliation.
Dans cette lutte sans fin, de chats et de chiens, il est vrai que Thomas Sankara bénéficie d’un avantage que Blaise Compaoré a lui-même contribué à lui accorder en choisissant de traiter par l’indifférence son rôle pendant la période révolutionnaire. Pas à pas, ses partisans l’ont sorti de la bourbe des évènements pour construire un mythe à la mesure de leur frustration d’avoir à supporter à la tête de leur pays celui qui mit brutalement fin à l’aventure révolutionnaire. Ce que les partisans de Compaoré n’ont pas su faire, laissant leurs adversaires le charger en permanence des pires forfaits. Dans ce jeu de reconstruction de virginité, Blaise Compaoré a perdu la partie : plus on le judiciarise, moins on historicise Thomas Sankara. Comme aucun prétoire au monde n’a jamais condamné pour assassinat d’un mythe, il se trouve seul à subir la foudre des magistrats et à écoper de la perpétuité — moins agréable que celle d’un héros au panthéon burkinabè.
La vie ou la mort. À l’évidence, les magistrats ont, du point de vue de la loi dont ils ont mission à appliquer, fait leur travail sur la matière pénale qu’on a mise à leur disposition , et elle seule. Mais face à cette vérité judiciaire et à ses fragilités, que dire des historiens, des idéologues, des intellectuels, des journalistes, plus enclins à fouiller les fonds de tiroir de Blaise Compaoré que les fonds de tiroirs de Thomas Sankara, contribuant, au mieux par abstention, au pire par compromission, à forger l’image d’un saint liquidé par un monstre. Cette manière hagiographique de construire la vérité est, pour une grande partie, à l’origine du problème que souffre le Burkina Faso.
Voilà pourquoi le recours au triptyque « Vérité, Justice, Réconciliation » que tous les rhéteurs du moment ânonnent comme un bréviaire, est fallacieux. L’appel à la vérité n’a de sens que si cette vérité est documentée, à charge et à décharge, pour tous les protagonistes de la scène de crime. Or, pour l’un d’entre eux, Thomas Sankara, cette documentation a plus de trente ans de retard, ce qui est pratique quand les crimes visés relèvent d’une prescription extinctive.
L’appel à la justice, en fait à l’application du droit positif, si souvent en contradiction avec le concept même de justice, laquelle les gens ordinaires appréhendent, de bonne foi, au seul regard des choses de la vie courante, est pareillement dénué de sens lorsque les magistrats sont simplement appelés à se prononcer sur des faits et une matière pénale tronqués, forcés d’agir en mission commandée d’une cause aux ressorts éminemment politiques. Reste l’appel à la réconciliation, qui cette fois convoque non pas quelques chapelles ou experts, mais le peuple en son entier, avec pour mission, non pas de régler les affaires de quelques familles, mais d’élaborer collectivement une solution d’avenir pour le pays, pour la patrie, pour la majorité des citoyens. De là, le danger et la réaction radicale de tous ceux qui voudraient à nouveau en faire l’instrument de leur cause partisane, comme ils ont réussi à le faire avec la vérité et la justice.
C’est cette dernière étape que le président du Faso a décidé d’entamer le 8 juillet 2022, dans la logique du triptyque, puisque de l’avis même des parties au débat public les deux étapes précédentes ont été franchies. La chronologie a donc été parfaitement respectée entre ces trois ordres : « Vérité, Justice, Réconciliation ».
Chacun de ces ordres a ses règles et sa procédure qui déterminent son autonomie dans son champ de compétence, mais surtout, chaque ordre s’intègre à une dynamique dont le point culminant est la réconciliation. Et pourquoi la réconciliation est-elle culminante ? Parce que, contrairement par exemple à l’ordre judiciaire qui ne connaît que des causes individuelles dont la portée peut certes être collective dans certains cas, la réconciliation concerne, d’abord et avant tout, la nation et ce qui en est le ferment, le peuple souverain. Il faut le répéter, la réconciliation n’est pas là pour s’occuper de Thomas Sankara et de Blaise Compaoré à titre de fin, mais de simple moyen de parvenir à un consensus national et populaire.
La réconciliation ne défait, ne refait et ne fait aucun procès ; elle est au-delà de tout jugement, et pour cette raison ne saurait contredire la poursuite du travail de la vérité et de l’autorité judiciaire. Son but suprême est d’ouvrir une voie d’avenir à un peuple égaré par les luttes intestines de deux factions qu’il convient de renvoyer dos à dos au bénéfice de la majorité. La querelle des pères ne saurait ruiner la vie des filles et des fils, parce que, ce faisant, elle ruine la vie de la communauté en son entier : voilà ce que dit la réconciliation, et voilà ce que certains voudraient étouffer puisque la préservation de leurs petits intérêts individuels tient uniquement à la querelle des pères. Ici, la générosité, l’espoir et la vie ; là, l’égoïsme, la résignation et la mort ; tel est le choix qui s’impose à chacune et à chacun de nous, Burkinabè, en ce moment d’urgence nationale.
Coup KO. La réconciliation est donc ce processus par lequel il est possible de sortir de cette logique du coup KO dans laquelle sont enfermées ces deux factions et leurs alliés. Ceux qui aujourd’hui se déchaînent, dans un hybris sans précédent, contre la venue de Blaise Compaoré cherchent avant tout à perpétuer cette logique d’affrontement dont ils tirent leur substance politique et sociale. Pour eux, la réconciliation n’est qu’un prétexte à divertissement, une manière de tergiversation, dont la seule utilité est qu’elle monopolise les discours sans jamais advenir.
C’est cette logique que le président Damiba entendait rompre en invitant tous les anciens chefs d’Etat, sans autre considération que cette qualité, comme prélude à la mise en œuvre des 5 autres catégories de besoins de réconciliation identifiés par la Stratégie nationale de réconciliation (2022-2026). Il la fait en toute transparence, aux yeux de tous les citoyens, en comptant d’abord et avant tout sur l’intelligence des intérêts supérieurs du pays par les filles et les fils du Burkina. Il l’a fait en tablant sur la maturité de toutes les forces vives, partis politiques, intellectuels, société civile.
Un pas a été franchi, même si tous les invités, pour des raisons diverses, n’étaient pas présents physiquement à la réunion du 8 juillet 2022. Que faut-il faire maintenant que la voie est ouverte ? Renoncer au processus de réconciliation et laisser la main à la logique de l’affrontement partisan ? Donner à la réconciliation un sens a minima qui ne fasse que différer une nouvelle crise tout en apaisant sur le moment les tensions ? Accorder une chance supplémentaire à ce processus en le dépaysant moyen que la diplomatie et la justice utilisent à l’envie pour garantir la sérénité des débats ? Considérer que ce processus est vital pour notre nation et son peuple, tenir coûte que coûte, ici, sur la terre même de nos ancêtres, y compris au risque de malmener les certitudes des uns et des autres en renvoyant une certaine orthodoxie institutionnelle à meilleure fortune ?
La réponse à ces questions appartient à chaque Burkinabè, en toute bonne foi, en son âme et conscience, et sans perdre de vue que, dans l’histoire d’un peuple, les pages que l’on ne sait pas tourner à temps, à force de les lire et de les relire jusqu’à l’obsession, finissent par hanter comme un fantôme. Un tabou est tombé ce 8 juillet 2022. Avons-nous collectivement la force, le courage, la maturité d’en faire un atout pour reprendre en main notre destin, sans craindre, à un autre tournant de l’histoire, que le passé nous rattrape pour une nouvelle fois nous mettre à terre ? Si nous n’avons plus le temps de nous quereller comme des chiffonniers, avons-nous pour autant perdu le luxe de donner à notre patrie et à ses enfants le meilleur de nous-mêmes à travers une réconciliation réussie ?
Nous le pensons, nous l’écrivons, et nous prenons date contre tous les petits criquets de la pensée unique dont notre pays porte depuis trop longtemps les stigmates.
Le Président du Comité Exécutif
Dr. Evariste. Faustin. KONSIMBO
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